Pendant des décennies, le monde du travail était fortement influencé par le taylorisme, une méthode de gestion scientifique développée par Frederick Winslow Taylor au début du XXe siècle. Cette approche prônait la division du travail en tâches simples et répétitives, comme on le voyait dans les usines Ford. Chaque ouvrier avait une tâche précise, souvent répétitive, à accomplir. Progressivement, les organisations ont évolué vers des structures où les collaborateurs devaient être multitâches, capables de maîtriser des tâches de gestion du début à la fin du processus et d’effectuer le travail de leurs collègues. Cette évolution, qui semblait initialement prometteuse pour accroître l’apprentissage et les compétences des collaborateurs, s’est finalement révélée être un piège propice à la démotivation, au burn-out et à la perte de connaissance approfondie.
Le mythe du multitâche
L’idée d’être multitâche repose sur la notion que l’efficacité et la productivité augmentent lorsque les collaborateurs sont capables de jongler entre plusieurs tâches. Cependant, des études ont montré que le multitâche peut réduire la productivité jusqu’à 40% et entraîner une baisse de la qualité du travail. En essayant de se concentrer sur plusieurs tâches à la fois, les collaborateurs se dispersent et perdent en efficacité.
Impact sur la motivation et le bien-être
Démotivation : Les collaborateurs qui doivent constamment passer d’une tâche à une autre peuvent rapidement se sentir submergés. Cette surcharge cognitive peut entraîner une baisse de la motivation, car ils ont l’impression de ne jamais atteindre une véritable expertise dans un domaine précis. Par exemple, un analyste financier qui doit également gérer des tâches administratives et répondre aux demandes de service client peut se sentir inefficace et frustré.
Burn-out : Le multitâche constant peut entraîner un épuisement professionnel. Le stress de devoir gérer plusieurs tâches simultanément sans pause adéquate peut provoquer un burn-out, affectant à la fois la santé mentale et physique des employés. Prenons l’exemple d’un chef de projet qui doit non seulement coordonner les équipes, mais aussi s’occuper de la gestion des ressources, des rapports financiers et des relations avec les clients. Cette charge de travail multiple peut mener rapidement à l’épuisement.
Perte de Connaissance : Lorsque les collaborateurs sont constamment sollicités pour diverses tâches, ils n’ont pas le temps de développer une connaissance approfondie dans un domaine spécifique. Cela peut mener à une baisse de la qualité du travail et à un manque de spécialisation au sein de l’organisation. Par exemple, un développeur de logiciels qui doit également s’occuper du support technique et de la formation des utilisateurs n’aura pas le temps de se perfectionner dans son domaine de base.
Retour à la spécialisation avec les tâches tournantes
Plutôt que de forcer les collaborateurs à être multitâches, il est préférable de se concentrer sur la spécialisation et l’expertise, tout en intégrant la notion de tâches tournantes. Voici pourquoi et comment :
Avantages des tâches tournantes
Renforcement des connaissances : en changeant de poste tous les trois ans, les collaborateurs peuvent approfondir leurs connaissances dans différents domaines sans être constamment sollicités pour des tâches multiples. Cela leur permet de devenir des experts dans plusieurs domaines au fil du temps. Par exemple, un collaborateur dans une banque pourrait passer de la gestion des prêts à la gestion des investissements, acquérant ainsi une expertise précieuse et diversifiée.
Motivation et engagement : la rotation des tâches maintient l’intérêt des collaborateurs en leur offrant de nouveaux défis et des opportunités d’apprentissage régulières. Cela peut augmenter leur engagement et leur satisfaction au travail. Prenons l’exemple d’un infirmier qui passe d’un service de soins intensifs à un service de pédiatrie. Ce changement peut raviver son intérêt et sa passion pour son travail.
Prévention du burn-out : En évitant la surcharge cognitive liée au multitâche, les tâches tournantes permettent aux collaborateurs de se concentrer pleinement sur une activité à la fois, réduisant ainsi le risque de burn-out. Par exemple, un marketeur qui change de poste pour se concentrer sur la stratégie de contenu pendant une période donnée peut éviter l’épuisement lié à la gestion simultanée des réseaux sociaux, de la publicité en ligne et des relations publiques.
Flexibilité et adaptabilité : Les collaborateurs qui ont l’opportunité de changer de poste régulièrement deviennent plus flexibles et adaptables. Ils acquièrent des compétences variées qui peuvent être utiles dans diverses situations professionnelles. Par exemple, un ingénieur qui alterne entre le développement de produits et la gestion de projets développe une compréhension holistique de l’entreprise, ce qui le rend plus adaptable aux changements organisationnels.
Pour aller plus loin…
Pour une organisation saine et performante, il est crucial de valoriser la spécialisation et l’expertise tout en intégrant la notion de tâches tournantes. En changeant de poste tous les trois ans, les collaborateurs peuvent renforcer leurs connaissances et maintenir leur motivation, tout en évitant les risques de burn-out.